Sous le thème : « Ne laisser personne de côté : investir dans les systèmes de santé pour tous », le Maroc célèbre le dimanche 12 décembre 2021, la Journée internationale de la Couverture-Santé Universelle. L’appel à l’action y afférent incite, cette année, principalement à investir davantage dans la santé et à lui allouer les ressources de manière efficace et équitable en fonction des besoins.
Ce message s’inscrit parfaitement dans la conjoncture actuelle que traverse le Maroc, marquée par le lancement, par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’Assiste, du chantier de généralisation de la protection sociale au profit de tous les marocains durant les cinq prochaines années, à commencer par la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base à l’horizon de 2022, sur fonds de refonte profonde du système de santé national, telle que entérinée dans les conclusions du « Nouveau modèle de développement » du Maroc et inscrit parmi les priorités du programme gouvernemental 2021-2026.
Ainsi, l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM), en sa qualité de régulateur engagé dans les efforts collectifs déployés pour la concrétisation de ce projet Royal profite de la célébration de cette journée pour dresser le bilan du cheminement du Maroc vers la CSU et brosser les perspectives à venir.
Dans ce sens, il est important de rappeler que le Maroc s’est engagé sur la voie de la CSU depuis 2002 par l’adoption de la loi n°65-00 portant code de la Couverture Médicale de Base (CMB). Le premier régime mis en œuvre en 2005 est celui de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) pour les salariés et les titulaires de pensions des deux secteurs, public et privé.
Par la suite, le chantier de la CMB s’est poursuivi d’abord par le lancement, partiel en 2008 puis la généralisation en 2012, du Régime d’Assistance Médicale (RAMED), au profit de la population défavorisée, puis par l’entrée en vigueur de l’AMO des étudiants en 2016, et l’adoption de la Loi relative à l’AMO des travailleurs non-salariés en 2018 et la publication progressive de ses décrets d’application.
Ce processus, couronné par l’adoption de Loi cadre n°09.21 relative à la protection sociale, a permis de porter le taux de couverture médicale de base de la population marocaine de 16% en 2005 à 70.2% en 2020 soit 25.2 millions de bénéficiaires (tous régimes confondus), dont 11.17 millions de bénéficiaires de l’AMO et 11 millions de bénéficiaires du « RAMED ». Le but étant d’atteindre 100% de la population marocaine, à travers l’intégration de 11 Millions de travailleurs non-salariés et 11 millions de bénéficiaires actuels du RAMED qui basculeront vers l’AMO (soit un total 22 millions de citoyens), et ce, avant fin 2022.
Il est important de souligner que depuis l’instauration de l’AMO jusqu’à date d’aujourd’hui, une nette évolution a été enregistrée non seulement au niveau des paramètres du régime, mais aussi au niveau de la prise en charge des malades, notamment pendant la pandémie de la Covid 19 (tests PCR, hospitalisation, vaccination …).
De même, les outils d’encadrement et de maîtrise médicalisée des dépenses ont également connu une évolution significative puisque le nombre de médicaments remboursables au titre de l’AMO est passé de 1000 médicaments en 2006 à 4850 médicaments en 2020, dont 3015 médicaments génériques (soit 65%). S’y ajoute l’évolution du nombre d’identifiants nationaux attribués aux professionnels de santé et aux établissements de santé (INPE) des secteurs public et privé, qui est passé 5324 en 2007 à 50 000 codes aujourd’hui.
Le nombre de réclamations traitées par l’ANAM, dans le cadre de sa mission d’arbitrage des litiges entre les différents intervenants du système, a également évolué en passant de 328 réclamations reçues en 2011 à 10255 requêtes reçues à date d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, si d’importants progrès ont été réalisés et plusieurs étapes ont été franchies dans la mise en œuvre progressive de la couverture médicale, le système connait toujours quelques contraintes liées notamment à la multiplicité des régimes, les écarts entre les paramètres de ces derniers (panier de soins, taux de cotisations…), le poids des dépenses restant à la charge de l’assuré qui s’élèvent à 31.5% pour la CNOPS et 37.6% pour la CNSS, l’insuffisance du financement du système de santé…
Conformément aux Hautes Orientations Royales et afin d’accompagner les réformes escomptées, notamment celles de la priorité donnée à la généralisation de l’AMO à tout la population d’ici fin 2022, l’ANAM a mis à jour par anticipation sa stratégie 2020-2024, elle a aussi participé activement à l’élaboration de la stratégie sectorielle de protection sociale, et siège dans la commission technique instituée à cet effet par le Chef du Gouvernement. Dans cette même optique, l’ANAM a accéléré la mise en œuvre d’un ensemble de projets structurants thématiques inscrits dans sa stratégie d’accompagnement pour participer efficacement, avec le concours des autres acteurs, à l’atteinte des objectifs dans les délais impartis.
Construite autour de cinq piliers, cette stratégie d’accompagnement est déclinée en mesures spécifiques que l’ANAM déploiera pour l’accompagnement des deux actions clés de l’extension progressive de la base d’assujettissement à l’AMO. La première action porte sur la participation active de l’Agence au transfert/intégration des catégories sociales bénéficiant actuellement du RAMED dans le régime AMO géré par la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), à partir de juillet 2022. La deuxième consiste en l’accompagnement du parachèvement de la couverture des catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale par l’assurance maladie obligatoire, gérée par la CNSS.
A ce titre, et pour éclairer la prise de décision sur la base de la production scientifique en matière de couverture médicale de base, l’ANAM étudie actuellement les différents impacts du basculement imminent de la population RAMED dans l’AMO du secteur privé, actualisera le bilan actuariel AMO, puis mènera des études relatives à la population des Travailleurs Non-Salariés, et des enquêtes sur les coûts des prestations médicales.
Par ailleurs, la stratégie d’accompagnement adoptée par l’ANAM se base aussi sur la refonte de l’arsenal juridique du dispositif de la CMB à travers la proposition des amendements nécessaires pour améliorer les dispositions légales et réglementaires, et de renforcer les missions de l’ANAM, pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle de régulateur de la CMB au Maroc. S’y ajoute l’élargissement de la base des assujettis à l’AMO, et la mise en place d’instruments novateurs pour un financement pérenne de l’AMO.
Elle concerne également l’adaptation des outils de régulation aux évolutions du dispositif de l’AMO, à travers notamment l’institutionnalisation des principes de parcours coordonné de soins visant à assurer un meilleur suivi médical des assurés, la mise en place d’une nouvelle stratégie de remboursement des médicaments afin de maitriser les dépenses du poste médicament qui absorbe à lui seul 31.5% des dépenses de l’AMO. Il est important de souligner aussi que les Affections de Longue Durée (ALD), qui touchent 3.2% de la population couverte par l’AMO, s’accaparent 51.8% des dépenses totales. 71.6% de ces dépenses concernent l’insuffisance rénale chronique terminale (26.7%), les tumeurs malignes (23.7%), le diabète insulino-dépendant et le diabète non insulino-dépendant ( 10.7%) et l’hypertension artérielle sévère ( 10.5%).
Ces mesures portent également sur l’élaboration d’un programme d’appui à la prévention, la mise en place d’une nouvelle nomenclature « CCAM » et l’évaluation du panier de soins actuel pour le rendre adéquat, accessible, efficient et adapté aux besoins des bénéficiaires. De même, un nouveau processus de conventionnement sera mis en place afin de faire évoluer les conventions en un véritable outil de contractualisation entre les organismes gestionnaires et les professionnels de santé, basé sur des objectifs réciproques et quantifiés, de maîtrise médicalisée des dépenses et de réaménagements tarifaires. Toutes ces mesures, qui sont en cours de mise en place, nécessitent, bien évidemment, l’implémentation d’un système d’information ouvert, performant et évolutif, que l’ANAM participera, à côté de l’ensemble des acteurs à sa mise en œuvre.
Enfin, l’aboutissement de tous ces projets ne peut se concevoir en l’absence d’une approche institutionnelle et consensuelle. La mobilisation et le dialogue sociale sont ainsi deux conditions sine qua non de réussite de la CSU dans notre pays, d’où la devise de la stratégie de l’ANAM « la Couverture Santé-Universelle, un défi partagé ».